Troisième billet du temps, écrit par Jeanne Aimé-Saintès et illustré par Eloïse Bloit.
Une chronique du Parc un jour ordinaire.
La complainte du vieux banc
Qui me regarde, moi le vieux banc du parc ?
Et qui vient s’asseoir, enfin, que je me sente moins seul ? Je me sens seul, ça oui, seul et délaissé, alors que les travaux du parc ont commencé. Ils m’encerclent d’une clôture rouge, moi l’enragé. Ne manquerait plus qu’un panneau attention, banc méchant et je ne serais définitivement plus fréquentable. Le contraire même d’un banc.
Me reviens le poème de Jacques Prévert : Le désespoir est assis sur un banc. Je suis le désespoir même. Ne croyez-pas, les bancs sont des objets lettrés et instruits, à force d’entendre parler ou lire en chuchotant. Les bancs ont des oreilles. J’ai entendu dire que les platanes de Lorient, cette année, portaient écharpe. Echarpe rouge. Brin d’élégance. Enfin, ces travaux bousculent mes petites habitudes et celles des passants qui venaient chez moi, grattant du pied, machinalement, la bande de terre où l’herbe ne poussait plus à force de visites répétées. Preuve que j’étais de ces bancs appréciés.
Les bancs, dans un parc, ont leur importance. Dans sa politique du banc, Michael Jakob, historien et théoricien du paysage, le définit comme une machine à faire voir.
« Le banc. On s’y assied, en général sans trop réfléchir, dans ces moments indispensables de relâchement ; on s’y repose, on revient à soi, on se soustrait l’espace d’un instant à l’effort permanent de se relier au monde. Mais on ne le regarde pas. Or c’est en partie lui qui oriente et dirige notre regard et mérite donc toute notre attention ».
« Le banc. On s’y assied, en général sans trop réfléchir, dans ces moments indispensables de relâchement ; on s’y repose, on revient à soi, on se soustrait l’espace d’un instant à l’effort permanent de se relier au monde. Mais on ne le regarde pas. Or c’est en partie lui qui oriente et dirige notre regard et mérite donc toute notre attention ».
Dans le parc de Lorient en travaux, la solitude de ce banc a retenu le regard du collectif Dérive. Un banc un peu vieillot, tournant le dos aux travaux qui changent le parc autour de lui. Le temps des travaux n’est décidément guère confortable, pour les passants comme pour les bancs. Mais bientôt, le parc sera encore plus beau.
Lorient, 7 novembre 2017
Lorient, 7 novembre 2017
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